mardi 8 août 2006

 

Ou Comment se défoncer dans l'intertexte...

Le message précédent évoquait déjà la dernière décade de Cerisy consacrée à la SF.
Un programme passionnant concocté par Francis BERTHELOT et Philippe CLERMONT pour la décade de Cerisy de juillet 2006 "Science-fiction et imaginaires contemporains".
Je regrette encore d'avoir manqué notamment Anne Besson, Sylvie Allouche, Elisabeth Vonarburg, Xavier Mauméjean et Samuel Minne, et raté leurs communications.
Mais il restait du grain à moudre et du bon foin à ruminer les trois derniers jours...
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Quelques notes prises au vol, pense-bête en vrac, sans aucune prétention, et un quizz final.

* Samedi 29 juillet *

Lauric GUILLAUD : Un exemple de fusion mythique dans la fantasy contemporaine : le cycle de Pendragon de Stephen R. Lawhead
Il n'a guère donné envie de se plonger dans ce long cycle de "fantasy arthurienne" mêlée du mythe d'Atlantis : 6 tomes de 1987 à 1999.
Quelques éléments historiques préalables sur cette fantasy : L. Sprague de Camp emploie "litterary swordsmen & sorcerers". Nostalgie pré-raphaélite, renouveau celtique (XIX°), dont gothique (W. Scott). The Faerie Queene d'Edmund Spenser (1590). Lord Dunsany. T.H. White. Jack Vance (Lyonesse). Sword & Sorcery ou Epic Fantasy. 1954-1996 : des cycles de "fat books".
9 Lois à l'œuvre lors de l'utilisation et des jeux avec les mythes, notamment l'arthurien :
> 1.- noyau dur (mythe originel retrouvé)
> 2.- satellisation et fédération de mythes
> 3.- osmose et symbiose
> 4.- réversibilité
> 5.- christianisation
> 6.- rationalisation (déperdition du sacré)
> 7.- vengeance du mythe
> 8.- actualisation (idéologie, intrumentalisation)
> 9.- gauchisme du mythe.
Je pense à Bradley, à Barjavel, à la bande-dessinée du Cycle d'Arthur , que Jacques Goimard a fait d'ailleurs fait ensuite circuler, du dessinateur Jérôme Lereculey et du scénariste David Chauvel (Delcourt) - et à l'opposition païen/chrétien dans l'interprétation et la relecture de ces mythes.

Christian CHELEBOURG : Un côté obscur de la " Force " : mutilation et réparation des corps dans Star Wars
Le light-saber comme hachoir, tranchoir cautérisant. Compter le nombre d'amputation de bras ou de jambes par demi-heure, pour chaque film de la double trilogie. Trancher un droïde ou un homme est désacralisé, devient ludique, sans cri.
Un Jedi ne meurt jamais le sabre à la main : on la lui a coupée ou il a laché le sabre avant.
Jeu de prothèses, dont celle, métallique, squelettique, qui sort d'une robe de bure, comme celle de la Mort.
Vaincre la mort par la réparation mécanique, comme pour Darth Vador, qui rapproche les gens (people) des choses (things) que le jeune Anakin savait si bien réparer.
Opposition d'une immortalité mécanique (Vador) et d'une immortalité spirituelle (Obiwan : la Force est la vie).
Alliance entre le père et le fils, l'amputation comme circoncision ?
NB : Je rajouterais aux immortalités mécanique et spirituelle, l'organique, la biologique : celle par le clonage, pour Jango Fett.

Daniel TRON : Médialepses
Impossible bien sûr de résumer Daniel qui a été ébouriffant "comme d'habitude". Donc toujours des notes éparses.
Dans les nombreux films cités (notamment (1) Brazil de 1985, (2) Total Recall de 1990, (3) Matrix de 1999), l'importance du rapport de l'être au monde, du corps et du cadre, du réveil. Implant ou œil. Rapport entre temporalité et focalité.
Le discours indirect libre. Histoire / récit / narration.
Jeux de miroirs dans (1), embolie schizophénique dans (2), ingurgitation du miroir par le corps dans (3).
Fragmentation identitaire du corps, par portabilité, ubiquité, personnalisation d'un autre.
Intervention du média dans le média, par des jeux de l'oral, l'écrit, du moniteur, des données, du casque, de l'hologramme...
Vertige de l'enchassement, hypermédiatisation, jeu de myopie, de lunettes.
NB : Ouf ! Il manque quelques mots partis dans le quizz, et surtout les images qui forment la meilleure démonstration du titre.

Gilles MÉNÉGALDO : La notion de remake postmoderne avec The Thing (Hawks/Nyby, Carpenter) et L'Invasion des profanateurs de sépulture (Siegel, Kaufman, Ferrara)
Intervention centrée sur la notion de remake et sur "L'Invasion des profanateurs de sépulture" (Invasion of the body-snatchers) à partir de l'histoire de Jack Finney (1955), adaptée successivement par Ron Siegel en 1956, Kaufman en 1978 et Abel Ferrara en 1993.
Le noyau narratif soumis à un bricolage intertextuel. Simulacres, semblance, semblables.
J'ai connu un coup de fatigue en cette fin de première journée, favorisée par les projections dans la pénombre.

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* Dimanche 30 juillet *

Maryse PETIT : Le rapport entre science-fiction et manipulation de l'humain dans quatre films de Paul Verhoeven : Robocop, Total Recall, Starship Troopers et Hollow Man
L'homme fictionnel, dans ces œuvres de 1987 à 2000.
Eclater les corps pour en connaître l'humain, l'ouverture de la boite corps.
Opposition d'une violence immorale, gratuite ou issue du lucre, et de la violence positivée, de défense ou pour la justice.
Eclater les esprits, mettre en jeu l'identité. Les soldats manipulés deviennent des tueurs. La manipulation est externe (ST), interne (TR) ou physique (HM). Le discours raciste, xénophobe de (ST). L'autre, cyborg, insecte, mutant ou humain.
Expérimentations in-vivo, qui manipulent le spectateur même.
Carapace, ou peau et armure, ou métal machine. L'émotivité et l'identification sont liées à la visibilité du visage.
Un certain flou entre les rôles respectifs du scénariste et du réalisateur, dans l'intention du film, du texte et des images.

Thierry CORMIER : Persistances rétiniennes : regards imaginaires sur les écrans des sociétés contemporaines
Hybridation des images, des genres, des sources. Miroir entre l'écran et le regard.
L'écran citation, opaque, reflet. Transmission projetée sur fond blanc de l'écran, diffusée par le fond noir de la télé, offerte par la transparence de la fenêtre.
Exemple éclairant de "Playtime" de Jacques Tati.
NB : Beaucoup d'images encore, donc peu de notes qui ne rendent pas hommage à l'intérêt de la communication,
avec un souvenir fort du rapprochement des séquences de propagandes de Starship Troopers et les publicités télévisuelles de LaChaineParlementaire (française) sur la diffusion des travaux de la commission d'enquête sur Outreau : froid dans le dos.


Danièle ANDRÉ : D'une toile à l'autre : Spiderman à l'écran, des comics au cinéma
Un Peter Parker adolescent devient adulte par la morsure de "l'araignée" : son corps connait une différenciation incompréhensible, non partageable, mais qui le rend supérieur (muscles, poils qui poussent...). Mal-être, effrayé, peu sûr, il trouve sa place dans la ville.
Jeu de paternité entre Ben, le bon père / Osborn, le mauvais père absent et froid, Watson le père violent de MJ.
Les résonances avec la pièce d'Oscar Wilde, "The importance of being earnest" (constant) jouée par MJ, sur les conditions du devenir adulte.
"Même les ordinateurs ont besoin d'analystes de nos jours" dit Ben. Différences d'intentions originelles du Bouffon Vert et du Docteur Octopus (perversion de la recherche par le pouvoir, les militaires et l'argent).
La femme stéréotype. Des relations humaines rares, restreintes, difficiles, concurrentielles. Impact de la presse sur le public (Jameson). Le monde du spectacle et de l'apparence. L'héroïsme perverti (catcheur), policé (l'astronaute jeune et beau), opposé à l'héroïsme au quotidien (Ben et May) autour du pardon, de l'amour, de la bonté...
Epreuve du feu dans les 2 films qui touche Spiderman, puis Peter, comme un pompier, altruiste, qui connaît ses limites et finit par se faire aider : valeur d'entraide, de courage. Du héros sur-humain à l'humain héroïque, vers un nouveau mythe ?
NB : Une intervention très riche, avec de nombreux aspects abordés qui n'ont pas été pris en note.
Une prédestination du caractère par la famille ? Iron-Man sans pouvoir sur-humain qui justifie son action par les liens de la science, de l'argent et de l'armée, qui fut l'émule de Captain America. PP journaliste comme Clark Kent, héros caché mais au plus près de la nature et de la misère humaine, de l'actualité. Quelle évolution pour un adolescent éternel ?


Anne BARON-CARVAIS : Les super-héros de la bande dessinée américaine, une espèce en voie d'extension, ou la technologie au service de l'imaginaire
Intervention "sautée", voir le résumé du programme.

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* Lundi 31 juillet *

Patrick ABSALON : John Baldessari et Nicolas Moulin : vide cité, démiurgie et utopie
Un Américain / un Français, sur Los Angeles et les banlieux US / sur Paris et les cités imaginaires, à la culture SF revendiquée, qui travaille sur les thèmes de la ville et de l'architecture, en manipulant les images et même les vidéos,
à travers l'utilisation d'objets du quotidien dans une narration.
Référence à Pamanarenko, artiste belge, et ses machines volantes.
John Baldessari, Sud Californie, National City. Ouverture de l'œuvre aux interprétations du spectateur.
"art conceptuel", à partir d'images de qualité médiocre, tirées de la presse, agrandies dans un carré noir et blanc grand format, d'une ville sans habitants.
La rumeur des espaces négatifs : absence de visages, absence de pulsions.
La ville immense, fluide, vide (Chirico des années 1920 ; "La ville pétrifiée", "La ville entière", tableaux de Max Ernst de 1934) ou magma (Blade Runner).
Nicolas Moulin : Vider Paris, avec un texte de Spinrad. La ville comme organisme, naissance ou agonie ?
Deshumanisation et spatialisation à l'excès, historisation qui relie à la SF.
Références à Adolf Loos, contre le décor et la dégénérescence humaine, pour les murailles blanches.
Architecture / utopie/ uniformité idéale. Repris dans Novomond, ou des détails architecturaux existants sont agarandis un bain bleu.

Eric PICHOLLE : Imaginaires scientifiques nouveaux
"Anything goes" = tout est bon (dans le cochon) pour faire de la science.
Physical Review D, 1 000 pages tous les 15 jours de spéculations SF.
Balkanisation et fandomisation de la science. Disparition du savant fou (sauf dans La Musique du Sang de Bear, La Toile entre les Mondes de Sheffield, etc.). Prolétarisation du scientifique. Quel futur imaginaire scientifique "orientalisé" ? La Sf du Japon entre culture locale et Descartes, hybridation.
Difficile passage de l'intelligence artificielle à la conscience artificielle pour la Singularité vingienne.
La SF "littérature scientifique" du XXI° siècle ?
Les statistiques comme mathématiques politiques qui doivent intégrer la complexité : pouvoir étudier plus de trois corps à la fois.
Une intervention très sage, où le scientifique n'est assimilé que 3 fois à un physicien (les autres se limitant à la philatélie), et où Heinlein n'est cité Que 3 fois, mais avec tellement de peine que Philippe l'autorise généreusement à se lâcher dans la future communication écrite ;-), mais toujours aussi impressionnant - Véronique applaudit debout ;-).

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QUIZZ : Qui donc a dit quoi ? :
anamnèse, aporie, ectomyomorphe, technotope, diégétique, aliénations médiatiques, spéculaires, analepse, metalepse, protolepse, hypostase, hypertexte, hypotexte, incipit, uhr-texte, pulsion scopique, visagéité, photogramme, art métafictionnel, paroxysmique, vïngueu...
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So long and thanks for all the fish !

Cerisy 2007Derniers jours de la décade de Cerisy sur "Science-fiction et imaginaires contemporains" organisée par Francis BERTHELOT et Philippe CLERMONT, au château de Cerisy-la-Salle, au cœur de la Manche et de la campagne normande.

Cerisy est un haut-lieu de colloques menés en décades, résonnance des Rencontres de Pontigny qui ont précédé ce lieu avant guerre, décrites par Malraux dans les Noyers de l'Altenburg, et dont les photos souvenirs des grandes figures habillent les murs blancs. Cerisy a accueilli et accueille la fine-fleur internationale des intellectuels, universitaires ou créateurs, pour une retraite loin du bruit et de la frénésie des villes, pour échanger, réfléchir et produire de célèbres actes...

Souvenir de vieilles pierres, de lumières tamisées, de la fraicheur des soirées, de la monumentalité des arbres du parc (platanes, tilleuls, érables, etc.) et surtout, après un début de nuit à discuter fantasy et SF sous les combles du château, d'une sortie sous les étoiles... une gifle ! Il y avait longtemps que je n'avais vu un ciel étoilé si éclatant, loin des lumières urbaines. Vertige spatial...
Une décade, c'est aussi du cidre à tous les repas, des apéritifs corsés, une bonne compagnie, des fous-rires et de doctes discussions, des séances de projections de films à thème, des matchs de ping-pong acharnés dans les caves, des escapades en bord de mer, des pauses livresques en transat sur la terrasse...
Merci encore à Francis et Philippe pour avoir organisé ce bon moment conclu, le dimanche soir, par un feu d'artifice à l'horizon (offert par le village voisin de Notre-Dame-de-Cenilly ?).

Des images du colloque, du château et de paysages normands... ici !
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