jeudi 6 octobre 2005

 

Café-sciences avec Étienne Klein sur le Temps

Premier Café des Sciences à Avignon mercredi soir
avec Étienne Klein :
Le Temps existe-t-il ?

Cela a duré de 20h30 à 23h environ.
Un beau cadre, accueillant et chaleureux
un public très nombreux, un beau succès d'affluence.
C'est une première tentative, et mon premier Café Sciences,
j'appuie donc sur les points encore à améliorer.

• D'abord le micro ou la sono, difficile à maîtriser.
• Ensuite, l'organisation spatiale : il y avait beaucoup de monde,
donc des gens qui sont restés debout, et le partage du café en deux salles
a laissé la seconde un peu trop à l'écart du débat.
• Enfin, le format n'est pas encore bien défini entre "un nouveau concept" et
une conférence au format plus classique (agréablement informelle ici, dans la forme, le ton et les échanges qui ont suivi).
Une intervention initiale peut-être un peu longue dans le cadre d'un café :
E. Klein a parlé au début de 20 minutes qui se sont en fait transformées en 1 heure assez dense (et brillante), avec seulement ensuite des questions-réponses.
> Je m'imaginais en fait un "Café" plus comme un tour de table un peu détendu,
un dialogue socratique sur différentes dimensions de la question.
Mais cela est bien sûr bien plus difficile et il faut un maître de jeu bien aguerri !

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Pour entrer dans le contenu,
Étienne KLEIN nous a d'abord rappelé la grande polysémie du mot "temps",
et donc la difficulté de définir le sujet dont on parle, entre métaphore et
expressions populaires.
Cette partie m'a semblé un peu longue, d'autant qu'elle ne s'appuyait que sur la langue française.
J'aurais bien aimé à ce moment-là pouvoir interroger
sur la diversité de ce mot à travers les langues et les cultures humaines.
Mais ce passage s'est avéré, après coup, vraiment nécessaire, pour pouvoir éviter
ensuite de partir dans un jeu stérile sur les différentes significations du mot avec la salle.
Et cela permet une montée progressive de la complexité de l'exposé,
du temps quotidien "qui ne serait plus ce qu'il était" à des notions plus fondamentales.

Quelques expressions m'ont frappée :
- "Le temps existe-t-il ? - Ça dépend..."
- "Le temps n'est pas l'espace."
- "Le temps n'est pas sympathique."
- "Il n'existe pas de définition du temps."
- non-sens d'une comparaison entre le temps, qui passe, et un chemin : qui "cheminerait" ?
- "Le temps n'est pas un fleuve : quel serait son lit ?"
- "Où est le passé ?" : pour Proust, le passé est plus réel que le présent, au contraire de
Scott Fitzgerald, pour qui le temps qui passe est une fabrique de néant.
Étienne KLEIN a aussi successivement évoqué Aristote, Saint-Augustin (Les Confessions, Livre XI),
Kierkegaard, Balzac, Wittgenstein, et raconte avec talent l'apparition du Temps (chronos)
chez les Grecs, mythe dont Gaïa, Ouranos, et Kronos, un des Titans, tiennent les premiers rôles.

Il a ensuite tracé à grands traits l'évolution de la notion de temps en physique,
depuis son apparition comme variable mathématique, dans les expériences de pensée de Galilée,
sa définition comme une variable à 1 dimension, de vitesse uniforme, chez Newton,
le consensus rapide chez les physiciens sur sa nature linéaire (et non cyclique),
porté par le principe de causalité explicité chez Kant et Leibniz,
l'affaiblissement de la "cause" au cours du XIX° siècle (thermodynamique),
son "remplacement" par la contrainte de la vitesse de la lumière dans la relativité,
jusqu'aux équations de Paul Dirac en 1928, qui saura au niveau des particules
combiner les approches quantique et relativiste, et révéler l'antimatière.

Citation d'Étienne KLEIN :
« L’existence, aujourd’hui démontrée, de l’antimatière est la preuve matérielle
(ou plus exactement antimatérielle) du fait que le temps existe,
que c’est un sens unique qui ordonne les évènements conformément à ce qu’exige
le principe de causalité. L’apparition des énergies négatives dans les équations
ne manifestait finalement rien d’autre qu’une impossibilité : celle de voyager dans le temps. »


À noter :
• Il a insisté lourdement tout au long de ses interventions sur l'impossibilité absolue de voyager dans le temps, "quoi que dise la science-fiction."
• De même, il a égratigné plusieurs fois Claude Allègre (aristotélicien, "même pas galiléen") - une inimitié revendiquée, et affiché son désaccord avec Ilya Prigogine sur les différences entre un cours du temps et la flèche du temps, entre retour à un état initial et retour à un instant initial (la chimie, ses phénomènes irréversibles, l'entropie ne remettent pas en cause la physique et ses équations).
• Il a terminé sur un exemple assez long et qui a semblé mal compris, de l'antimatière que
nous dégageons tous : le potassium 40 instable (forme stable à 39 neutrons et protons)
a une période de 1,2 milliard d'année (environ) ; il devient du calcium 40 stable
par la transformation d'un neutron en proton, accompagnée de l'émission d'un antineutrino,
de masse non nulle : de l'antimatière, et ceci 4000 fois par seconde à chaque instant
dans le squelette d'un homme moyen !

Un texte résumant bien mieux que je n'ai su le faire ici les différents points évoqués :
Etienne KLEIN - Le temps de la physique
Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études transdisciplinaires n° 12 - Février 1998 [texte publié dans Dictionnaire de l'ignorance, Albin Michel, 1998, ouvrage collectif sous la direction de Michel Cazenave ; reproduit dans le Bulletin avec l'autorisation de l'auteur.]

- KLEIN Étienne, 2004. Les tactiques de Chronos. Coll. Champs Éd. Flammarion
- KLEIN Étienne, 1996. Le temps. Coll. Dominos Éd. Flammarion.
- CONCHE Marcel, 1992. Temps et destin. Éd. Presses Universitaires de France.
- COHEN-TANNOUDJI Gilles & SPIRO Michel, 1989. La Matière-Espace-Temps. Folio Essais, Gallimard.

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Enfin, une difficulté à parler vraiment de "science" dans le public :
il y a besoin, en plus de l'intervenant, d'un "modérateur" au débat qui recadre sur le sujet.
Cette fois-ci, le thème se prêtait à des dérives philosophiques -
et Étienne Klein était à la hauteur pour se prêter à ce jeu-là -,
mais cela affaiblit pour moi la particularité de ce que peut être ce "Café" -
quitte alors à organiser un thème vraiment "philosophie des sciences" ou "nature de la connaissance".

En tout cas, la barre a été placée haut pour les intervenants suivants, par Etienne KLEIN
entre clarté de l'exposé scientifique et indulgence, politesse et pugnacité dans ses réponses lors du débat.

***


En écoute : Georges BRASSENS :"Saturne" in Les copains d'abord, 1965 - Paroles.
À lire :
Robert A. HEINLEIN : "Paul Dirac, Antimatter and You" in Expanded Universe, 1980.
- et pour en savoir plus sur Dirac.
Gregory BENFORD : Paysage du temps, Folio SF (Timescape, 1980).














Café-Sciences mensuel au "Ô Gréduzingo", 5 rue Pasteur, 84000 AVIGNON - contact : 06 16 69 42 86.
Le 16 novembre : "séismes et tsunamis : à l'écoute de la Terre" - 30 novembre : "ITER" - 11 janvier : "Le climat".
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Commentaires:
J'aurais bien aimé assister à ça. Klein est un excellent vulgarisateur. Je comprends à peu près la Physiquye quantique grâce à lui...
 
Il a été brillant, juste assez pour ne pas trop décrocher son public. Un physicien peut trouver à redire, par exemple sur son emploi du mot "linéaire" ; il a aussi fait l'impasse sur Heisenberg dans l'histoire. Mais pour le profane, c'était bien. En plus du lien indiqué vers un article en ligne, j'ai un compte-rendu de conférence assez proche de ce qu'il nous a dit, si cela t'intéresse...

Tu as écrit le premier commentaire au fait, merci ! ;-)
 
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