jeudi 2 février 2006

 

Le Maître des Ombres

Il attendait depuis avant Noël dans mes lectures en cours,
je viens de terminer "Le Livre des ombres" de Serge Lehman.
Magistral !

J'ai découvert presque toutes les nouvelles dans ce recueil "fix-up" : je ne connaissais que "Nulle part à Liverion", souvent reprise en anthologie et, comme autre texte de Lehman, "Aucune étoile aussi lointaine", qui avait marqué mon retour en SF et surtout en SFF il y a plus de dix ans - j'avais aimé ce roman, surtout son entame, moins la façon dont il se terminait, mais ce souffle poétique m'avait réconciliée avec la SF française - alors que je revenais d'une longue bouderie après les excès formels des Fictions des années 80. Il me manque donc quelques références et à me plonger dans le cycle de F.A.U.S.T.

"Le Livre des ombres" commence sur un mode mineur, et il m'a fallu une vingtaine de longues pages pour être complètement accrochée, pour entrer dans le ton, être intoxiquée par le talent du conteur - sans doute parce que je souhaitais de la SF, et que ce début était trop mythique et trop abstrait.
Mais rapidement, la cohérence se construit. La magie opère, de ce regroupement de textes jusqu'ici épars - leur trace bibliographique clairement affichée en fin de volume rend leur regroupement d'autant plus improbable -, naît un monde, un méta-monde et une seule histoire - avec des leimotiv, des histoires devinées dont on ne peut à présent qu'espérer l'écriture.
On sent aussi parfois, par bouffées, dans les transitions, ce dont il nous avait fait part à Nice en mars dernier dans "La Légende du processeur d'histoire" lors d'une intervention aussi brillante qu'intimiste : comment une réflexion sur le texte, l'écrit, l'écriture peut s'abîmer en elle-même. Mais il en sort ici espoir .
J'ai bien sûr retrouvé "Nulle part à Livérion", mais aussi "L'inversion de Polyphème", qui restent peut-être les textes les plus forts.
Des personnages tragiques dont on s'imprègne. Je ne suis toujours pas impressionnée par le Picte, le signe ou le personnage. La mythologie elle-même, Hifiss ou Alètes, voie ou Omnium, et même Grandor, m'importe peu. Je le regrette un peu. Ce sont les fragments d'humanité qui touchent au coeur et marquent la mémoire, donnent envie de fouiller dans les textes pour trouver d'autres de leurs traces.
J'ai retrouvé le talent du conteur, et par moment le souffle coupé, le temps suspendu (la "transe") qui m'avait (nous avait) saisi lors de la lecture de Nice.

C'était un pari risqué, c'est une belle réussite, avec une mention spéciale aux dessins de Gess (un sans-faute au service du texte, contre-point, ponctuation illustrant sans dévoiler), et aux éditions de l'Atalante, pour la qualité de l'objet.
Cela me rend impatiente de la prochaine étape.
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